Le cerveau des migraineux est-il « normal » en dehors des crises ?

Rapporté par Julien Nizard (Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, CHU de Nantes) d’après la communication :
Is the Migrainous brain normal outside of acute attacks?
T. Sprenger et al.
EFIC 2011, Hambourg (Allemagne), 21-24 septembre 2011


Les composantes génétique et familiale de la migraine sont bien connues, de même que son évolution par crises, souvent précédées de symptômes prémonitoires, que le patient apprend à repérer, et post-critiques. Les facteurs déclenchants des crises sont multiples, et variables d’un individu à l’autre : facteurs hormonaux, psychologiques (stress, manque de sommeil), intolérances alimentaires, alcool, lumières, odeurs, facteurs météorologiques…

Le « seuil de déclenchement » d’une migraine chez un individu donné est variable, et ainsi sous l’influence de facteurs conjugués génétiques (relatifs à l’excitabilité et au métabolisme neuronaux notamment), et déclenchants ; alors que les traitements médicamenteux et non médicamenteux de la migraine ont pour effet d’élever ce seuil.

Il est désormais clairement établi que les manifestations biologiques et électrophysiologiques de la migraine ne sont pas limitées aux seules crises, mais s’inscrivent dans un processus continu, avec un plus large dysfonctionnement/perturbation de l’intégration des stimuli sensoriels (visuels, auditifs, olfactifs, somato-sensoriels, avec allodynie).
Ces perturbations sont naturellement plus intenses durant les crises, mais il est de mieux en mieux établi que la perception des stimuli sensoriels est anormale, avec des degrés divers, en période pré, post, et inter-critique.

La maladie migraineuse chronique est associée à plus de quinze jours céphalalgiques par mois, de fréquentes co-morbidités, et des manifestations inter-critiques, dont la connaissance est essentielle pour mieux prendre en compte et traiter les altérations de la qualité de vie du migraineux.

Till Sprenger aborde dans un premier temps les résultats de l’étude de Kelman (Headache, 2004), portant sur 893 patients. Des symptômes prémonitoires ont été retrouvés chez 30% des patients, avec une durée moyenne de 9,4 heures : fatigue (26%), changements de l’humeur (23%), symptômes gastro-intestinaux (22%), autres (raideur de la nuque, bâillements, soif, polyurie : 29%). 
Giffin (Neurology, 2003), retrouve quant à lui comme symptômes prémonitoires 70% de fatigue et 25% de troubles de l’humeur, mais aussi près de 60% de photophobie, 50% de phonophobie et 25% de nausées. Fait important, l’ensemble de ces signes s’inscrit dans un continuum pré, per (où la céphalée est présente et les signes associés à leur acmée), et post-critique. 
Sprenger conclut qu’il convient de repérer les symptômes prémonitoires qui peuvent apparaître bien avant le début de la crise migraineuse, et qu’il existe en période inter-critique des anomalies infra-cliniques des perceptions sensorielles, et des concentrations de neuropeptides.

A. May aborde ensuite les apports de la neuro-imagerie fonctionnelle à la compréhension de la période inter-critique chez le migraineux, avec les avantages et inconvénients respectifs des différentes techniques : PET-Scan (analyse des flux sanguins, quantitative et fiable), IRM fonctionnelle (avec haute résolution temporelle et spatiale), VBM (permettant l’analyse des modifications corticales structurelles). Il présente les différentes modifications cycliques au cours de la maladie migraineuse, retrouvées également en période inter-critique, montrant, à des degrés variables, une tendance à la photophobie, la phonophobie, osmophobie, l’allodynie…
Il rapporte les conclusions suivantes, chez le patient migraineux en dehors des crises : une moindre activation dans les noyaux trigéminaux, une augmentation progressive de cette activation jusqu’à la crise suivante, une activité plus intense avant la crise.

Enfin, J. Schoenen aborde les modifications électrophysiologiques inter-critiques chez le migraineux. Il évoque en particulier les phénomènes « d’habituation » déficiente du cerveau migraineux à différents stimuli, notamment sensoriels, qui peuvent être liés à une excitabilité corticale augmentée (facilitation homosynaptique), à une inhibition diminuée (hétérosynaptique), à un niveau de pré-activation diminué (« ceiling theory ») et à une transmission sérotoninergique diminuée. 
Ces déficiences peuvent être mises en évidence par l’électrophysiologie : amplitude des réponses initiales, conditionnement du cortex visuel par stimulation magnétique transcrânienne, oscillations de haute fréquence des potentiels évoqués somesthésiques…

En conclusion, ces trois exposés ont insisté sur le processus séquentiel intervenant avant, pendant et après la crise migraineuse, suivie d’une période inter-critique sans céphalée, mais pendant laquelle des modifications sont perceptibles en neuro-imagerie et en neurophysiologie. 
Ces constatations ouvrent des voies thérapeutiques nouvelles, en particulier celles permettant une augmentation de l’inhibition intra-corticale, comme la stimulation magnétique transcrânienne.

 

Pour la gestion de la douleur, contactez moi pour une consultation à domicile ou au téléphone  :


au 06 17 55 32 69 ou

par mail à hypnobulan@gmail.com

Dimitri BULAN


Retour à l'accueil