Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger (Auditions)
23 janv. 2014Mme Muguette Dini, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Xavier Malbreil, journaliste, auteur de La face cachée du Net dont une partie est consacrée à la problématique de l'influence des sectes sur Internet.
Internet se trouve en effet au coeur de l'enquête que nous menons, car on y trouve non seulement un véritable « supermarché » des techniques de soins les plus diverses et les plus fantaisistes, mais aussi de très nombreuses offres de formations à ces techniques dont les adeptes peuvent faire beaucoup de victimes.
La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.
J'attire l'attention du public ici présent qu'il est tenu d'assister à cette audition en silence. Toute personne qui troublerait les débats, par exemple en donnant des marques d'approbation ou d'improbation, sera exclue sur le champ.
Je précise à l'attention de M. Malbreil que notre commission d'enquête s'est constituée à l'initiative de M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, qui est donc notre rapporteur.
Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander à M. Malbreil de prêter serment.
Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Monsieur Xavier Malbreil, veuillez prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».
M. Xavier Malbreil. - Je le jure.
Mme Muguette Dini, présidente. - Je donne la parole à M. Malbreil pour un exposé introductif ; puis les membres de la commission d'enquête, interviendront pour poser des questions.
M. Xavier Malbreil, journaliste, auteur de « La face cachée du Net.4(*) - Je suis écrivain et dispense, à la faculté de Toulouse 2, des cours de narratologie - ensemble de sciences qui a pour but d'étudier le récit - aux étudiants en arts plastiques ou ayant suivi les beaux-arts. J'enseigne tout ce que les penseurs, depuis Platon jusqu'à nos jours, ont compris, étudié et transmis à propos du récit. J'arrive ainsi à montrer comment ces sectes se servent de techniques issues de la narration pour convaincre les internautes.
Observateur du Net depuis une quinzaine d'années, je suis par ailleurs critique d'art numérique pour le compte de la Revue électronique du Centre d'art contemporain de Montréal.
Au cours d'un dossier consacré à l'imaginaire du Net, je me suis rendu compte qu'il existait une très forte présence de la religion sur le Net, ce que je ne soupçonnais pas auparavant. Jean-Paul II a ainsi été, très tôt, un précurseur en réalisant un site consacré à la religion catholique, au début des années 1990. Les autres religions s'y sont ensuite mises à leur tour, puis les sectes.
C'est lors de conservations avec mon éditeur qu'est né le projet de livre sur La face cachée du Net.
Comment le Net a-t-il été créé ? A l'origine, il y a les réseaux universitaires, puis les réseaux militaires. Les fanatiques d'informatique, les « geeks », s'y sont très vite retrouvés ; les utopistes ont également fait très tôt du Net leur terrain d'action privilégié. Tout ceci a créé une idéologie qui est en partie responsable de la façon dont on voit aujourd'hui le Net, et qui nous met parfois en porte-à-faux avec ces réseaux.
Cette idéologie est basée sur une liberté totale : échanges de fichiers sans restriction, surtout pour les universitaires, qui réclamaient un système leur permettant d'échanger du savoir et des données sans passer par une instance centralisatrice ; non-reconnaissance des règles et du droit commun, très présente dès l'origine, dans les années 1980 ; enfin, qualification du réseau comme un espace virtuel et dématérialisé.
Ce dernier trait ne sera plus remis en question ; il constitue pourtant une mauvaise appréhension du Net. En effet, le Net n'est pas un espace virtuel. Ce qui est virtuel, c'est ce qui est en attente de réalisation. Les données figurent sur des serveurs ; certes, elles ne sont pas présentes sur un support matériel, comme le livre, mais les livres, quand on ne les lit pas, sont rangés dans des bibliothèques ! On ne les a pas constamment devant soi...
Le Net est donc un espace qui n'est ni virtuel ni dématérialisé. On a récemment compté que si les réseaux numériques continuent leur croissance au rythme actuel, la consommation d'électricité nécessaire pour les seuls réseaux serait, dans dix ans, équivalente à la consommation actuelle globale. On a jusqu'à présent gardé cette fausse idée d'un Net virtuel, qui a permis à certains de faire ce qu'ils voulaient en convoquant les idéologies libertaires à l'origine du Net, mais aussi d'échanger des données.
C'est un point sur lequel je me suis souvent opposé avec les gens avec qui je travaillais dans les réseaux de littérature et d'art numérique, en leur expliquant qu'on ne pouvait tout faire sur le Net. Il s'agissait alors de personnes investies dans leurs expérimentations et leurs utopies, qui considéraient qu'il ne fallait rien interdire. Au début des années 2000, le réseau était beaucoup moins important que maintenant, et ceux qui travaillaient dessus étaient surtout des universitaires ou des artistes. Je faisais à l'époque valoir que nous étions un petit nombre mais qu'un nombre plus important d'utilisateurs amènerait inévitablement certains changements. On a effectivement vu ce qu'il en a été...
Je fais souvent remarquer que le Net, qui comprend l'ensemble des réseaux - Web, forums, courrier électronique - englobe tous les autres réseaux, comme celui de la presse. On sait comment Google pille la presse. Le Net englobe la presse, la radio, la télévision ; c'est un fait unique dans l'histoire de l'humanité qu'un seul réseau arrive à concentrer tous les autres.
On voit donc que le Net n'est donc absolument plus virtuel ou marginal mais qu'il est devenu le réseau qui englobe tous les autres réseaux...
Les sectes ont très vite vu le parti qu'elles pouvaient tirer de ce manque de vigilance du public et du législateur et se sont emparées des outils que donne la loi pour défendre leur périmètre. C'est ainsi que la Scientologie recourt constamment à des procédures à propos de contenus en ligne. Roger Gonnet, connu pour son combat contre les sectes, a ainsi eu à subir des procès, tout comme Mathieu Cossu, etc. Les sectes savent très bien utiliser la loi à leur avantage...
Mon approche spécifique, dans ce travail sur le « profilage » des sectes sur le Net, s'appuie sur mes recherches d'observateur du Net et sur mon enseignement en narratologie. Je me suis servi pour ce faire d'outils comme « Touchgraph », ou « Archive », très utiles pour trouver des liens entre les différents sites. Ils permettent également de savoir quand ces sites ont été mis en ligne et modifiés, informations pleines d'enseignements...
Ceci m'a permis d'établir un certain nombre de constats sur des constellations de sites religieux ou sectaires ; je me suis ensuite servi des outils de la narratologie, afin de démontrer que les sectes, sur leur site, répondent généralement à trois critères. Elles avancent d'emblée l'argument d'autorité, systématiquement utilisé, comme par exemple l'affirmation : « les plus grands scientifiques ont démontré ». Elles recourent également au récit merveilleux et miraculeux. Quand elles proposent un savoir thérapeutique tout en conseillant aux lecteurs de continuer à se soigner avec la médecine classique, elles utilisent la dénégation. Celle-ci a pour but d'éviter les procès. On sait que le docteur Hamer a été condamné à de la prison ferme : toutes les sectes utilisent cette dénégation, qui n'est en l'espèce que théorique.
Je puis, si vous le souhaitez, démontrer comment ces pratiques ont évolué. Je suis en effet revenu sur le travail que j'ai réalisé il y a cinq ans pour le livre La face cachée du Net, en établissant un certain nombre de constatations par rapport aux stratégies des sites sectaires : comment se sont-ils adaptés ? Quels éléments ont évolué ? Pour quelles raisons ?
Mme Catherine Génisson. - Qu'est-ce qu'un site « ufologique » ?
M. Xavier Malbreil. - C'est un site qui traite des extraterrestres et des soucoupes volantes, en anglais « Unidentified Flyng Objects » (UFO).
« Biodécodage.com » est le site de Christian Flèche, issu de l'école Hamer, référencé par le site « Scientologie.fraude.free.fr », qui combat les sectes.
Les sites de médecines douces et de biodécodage sont affiliés au site de Christian Flèche. Une école se constitue à partir d'un site et utilise des filiales, comme « Biodécodage.ch » en Suisse ou « Decodage-biologique-sud-ouest.com », ces filiales rayonnant autour de la structure centrale. Ces outils de profilage servent donc à visualiser très vite comment s'organisent des sites sectaires.
Grâce à ces outils de profilage, en partant d'un site comme celui de Gérard Athias, par exemple, qui se situe dans la mouvance du docteur Hamer, et en cliquant sur les liens que comporte ce site, on peut dessiner toute une galaxie.
Sur « Sectes-info.net », site de désinformation issu de la Scientologie, on voit apparaître les sites affiliés, dont celui de M. Christian Paturel, qui promeut une démarche thérapeutique que l'on peut soupçonner de dérive sectaire. Ceci permet d'identifier de nouveaux acteurs...
Que sont les « AdWords » ? Il s'agit de mots-clés achetés à Google pour pourvoir faire des publicités renvoyant vers tel ou tel site. Les thérapeutes que l'on soupçonne de dérives sectaires achètent des mots-clés pour ramener vers eux de la clientèle. C'est un argument publicitaire qui avance masqué, se confondant facilement avec l'information. Cette dernière arrive en tête des pages de requête et on a parfois du mal à la différencier des contenus constituant une information authentique.
L'achat d'« AdWords » est la technique la plus classique pour faire venir à soi des clients qui ne savent pas qu'en tapant un mot-clé, ils arrivent sur le site d'une personne qui veut leur vendre quelque chose.
Le premier AdWords acheté par Julien Frère - élève de Christian Flèche, qui se réclame de la mouvance du docteur Hamer - était destiné à vendre un soutien thérapeutique ainsi qu'un certain nombre de stages. Pour être affilié à son école de la « théorie de la mémoire implicite » et être reconnu comme thérapeute, il faut payer environ 6 000 euros sur trois ans. On obtient alors un papier qui vaut ce que vaut le papier, c'est-à-dire à peu près rien, si ce n'est un coup de tampon !
Les principaux thérapeutes - Christian Flèche, Gérard Athias, etc. - font désormais moins appel aux AdWords mais ont cependant l'air de très bien se porter : leur site s'est professionnalisé et ils donnent des conférences payées très cher ! Ce n'est pas le cas des personnes qui sortent d'une des écoles de Julien Frère, qui doivent se constituer leur propre périmètre commercial et recourir à cette technique pour attirer la clientèle.
Julien Frère est installé en Suisse et détient une licence sur « Biodécodage.com ». De tels thérapeutes peuvent être soupçonnés de dérives sectaires, car ils demandent un investissement lourd en temps et en moyens financiers et créent une sujétion chez les gens venus solliciter un soutien moral et psychologique. Ils conseillent alors à ces personnes de devenir elles-mêmes thérapeutes. Celles-ci se trouvent ainsi embrigadées dans une école qui n'a d'école que le nom ! Certains utiliseront ensuite une licence, comme Julien Frère, et les techniques des formateurs - AdWords, mots-clés truqués...
Julien Frère, au terme d'un stage de trois ans chez Christian Flèche, a ainsi validé des compétences de « formateur en biodécodage et en psychobiothérapie ». Je ne sais qui ce diplôme, qui comporte un coup de tampon et une signature, peut impressionner mais cela fonctionne manifestement : Julien Frère a un agenda bien rempli, donne des cours, des conférences et utilise les trois procédés que j'ai isolés en tant que narratologue : argument d'autorité qui vise à l'adhésion et prépare la soumission, recours au merveilleux et dénégation.
Sur ce dernier point, Christian Flèche, sur son site, indique : « L'usage abusif du terme décodage biologique par des hommes, des femmes ayant suivi certaines formations uniquement théoriques, sans aucune pratique et sans thérapie personnelle, nous amène à faire cette importante mise au point : le décodage biologique n'est pas une promesse de guérison, il ne tient pas les clefs de la guérison, ce n'est pas une vérité, une certitude. C'est une ouverture, une curiosité... ».
Ceci indique qu'il a eu des problèmes : il utilise l'argument de la dénégation pour se couvrir par rapport à des élèves qu'il a formés, qui ont dû commettre des actes répréhensibles avec lesquels il veut prendre ses distances. C'est un point que j'ai mis en évidence lors de mon retour sur l'enquête que j'ai menée...
Un site comme celui de Tabitha's Place, secte chrétienne fondamentaliste, se porte manifestement bien. Cependant, certains de leurs adeptes connaissent des problèmes : en 2008, une famille a été dépossédée de ses biens et a réussi à partir en abandonnant tout sur place !
Les sites sur lesquels j'ai mené ma première enquête existent toujours, et leurs pratiques également. Les sites qui luttent contre les sectes, comme celui de Roger Gonnet, « Scientologie.fraude.free.fr », existent toujours également, mais sont en but à des procès et ont plus de mal à se maintenir que les sites sectaires ! Cela pose question...
J'ai par ailleurs récemment découvert une pratique qui peut rappeler les comportements sectaires. Il s'agit d'un système de marketing en réseau appelé « Organo Gold » qui propose un café enrichi avec un champignon appelé « reichi », Ganordema Lucinda, utilisé en pharmacologie traditionnelle chinoise et dont les promoteurs affirment que le champ d'application est quasiment universel, puisque cela guérirait cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, Alzheimer, Parkinson, grippe, rhume, impuissance, etc.
Vous devez donc acheter fort cher un pack de café, de thé ou de chocolat enrichi au reichi et surtout convaincre d'autres personnes de le vendre avec vous, selon le célèbre système pyramidal : plus vous convainquez de gens, plus vous créez un réseau puissant et plus vous gagnez d'argent !
Pour avoir le droit à une licence « or », il faut compter 1 398 euros, ce qui donne droit à 74 boîtes de café à 20 euros la boîte ! Cela vous assure, dit-on, 20 % de revenus sur le produit de la vente de votre réseau, soit 2 500 euros par semaine !
Organo Gold utilise un système de séminaires, de réunions et de shows et font actuellement un énorme battage médiatique en France. Comme les thérapeutes que j'ai recensés en 2008, cet organisme sature le réseau avec un maximum d'AdWords.
En France, il est très difficile de trouver des sites qui analysent objectivement leur offre. Il n'en existe qu'aux Etats-Unis. J'ai réussi à identifier un forum de discussion où certains Américains s'interrogent sur le fait de savoir s'il s'agit d'une si bonne affaire. Certains qui se sont fait abuser y témoignent mais en France, le réseau est tellement saturé qu'il est impossible de leur trouver des contradicteurs ! J'ai trouvé cette pratique très problématique.
Leur premier show a eu lieu à Bordeaux en novembre 2012. Cela ressemble aux shows de sectes comme la Scientologie : des aboyeurs de foire demandent au public de réagir, d'adhérer, cherchent à le convaincre de participer à des séminaires et surtout d'acheter des packs.
Ce système est un véritable rouleau compresseur, car tous ceux qui achètent du café Organeau Gold font en même temps l'acquisition d'une franchise dont les milliers de sites bloquent ensuite le réseau, empêchant tout accès à une parole contradictoire, ainsi que je l'ai déjà dit.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - M. Malbreil nous a présenté là, de manière synthétique, une utilisation du Net à des fins mal intentionnées.
Avez-vous constaté une présence forte de grandes organisations sectaires ? Risque-t -on la dissémination de groupes plus petits et éparpillées ? Qu'est-ce qui vous paraît aujourd'hui le plus dangereux ?
M. Xavier Malbreil. - Les sites dans la mouvance de l'enseignement que dispense le docteur Hamer se sont professionnalisés ; ils ont moins besoin de mots-clés pour construire leur périmètre commercial mais on assiste également à un grand essaimage.
Ce que j'avais prévu il y a cinq ans s'est réalisé : les adeptes se sont formés et ouvrent à leur tour des cabinets, sans avoir pour cela la moindre compétence. L'essaimage est donc réel pour les personnes de cette école - Athias, Sabbah et Christian Frère...
Je n'ai pas remarqué de progression particulière du périmètre des sectes plus importantes, comme la Scientologie. Je pense qu'elles se savent très surveillées. Elles continuent, à travers le site « Sectes-info.net », à diffuser un message de mystification mais je n'ai pas constaté de nouvelles stratégies de ces grandes organisations.
Ce que je trouve plus préoccupant, c'est la dissémination des thérapeutes. J'ai été moi-même amené à en croiser un lorsque je travaillais au Centre national d'enseignement à distance (CNED). L'un de mes collègues informaticien avait en effet suivi les stages de Christian Frère et devait s'installer comme thérapeute. Il m'a expliqué qu'il avait suivi une formation et je l'ai vu pratiquer devant moi : nous prenions un jour le café avec un collègue, qui s'appelle René (ce fait a de l'importance pour la suite). Celui-ci dit qu'il a mal dormi. Mon collègue lui a immédiatement demandé s'il ne pensait pas que cela pouvait avoir un lien avec une naissance mal vécue, jouant sur le prénom « René », associé au mot « renaît », et a essayé de le convaincre de venir le consulter. Cet essaimage de petites écoles me préoccupe beaucoup...
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Notre préoccupation est d'éviter que nos concitoyens voient leur santé mise en danger du fait de l'abandon de la médecine traditionnelle. Ces dérives les conduisent en outre assez souvent à être ponctionnés financièrement, dans des conditions relevant de l'escroquerie.
Dans le domaine de la santé, la multiplication des sites relevant de dérives sectaires est évidente. Quel est, selon vous, le moyen d'y remédier ? Existe-t-il des remèdes et comment remédier à cette situation préoccupante ?
M. Xavier Malbreil. - J'ai pu constater que les principaux sites antisectes avaient un langage très émotionnel. On peut comprendre que cela leur tienne à coeur - Roger Gonnet a été un moment embrigadé dans la Scientologie - mais je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure façon de faire passer le message de vigilance sectaire.
En réalisant ce travail de retour sur enquête, plusieurs années après l'écriture de mon livre, je me suis rendu compte que les sites antisectes existaient toujours. Ils n'ont manifestement pas réussi à endiguer l'offre qui est toujours plus importante.
Les sites pornographiques pour adultes émettent tous un message d'avertissement à destination de l'internaute pour l'informer que ces sites sont réservés aux personnes de plus de dix-huit ans. Les sites qui ne répondent pas aux certificats de sécurité édictés par les autorités du Web sont également bloqués par les fournisseurs d'accès s'ils peuvent comporter des virus ou des cookies pouvant endommager les navigateurs.
Pourquoi n'existe-t-il aucun système d'alerte concernant tous ces sites qui proposent des thérapies dont on sait qu'elles n'aboutissent à rien et n'ont aucune validité scientifique ? Tout le problème est évidemment de savoir quel site générera un message d'alerte mais si personne n'agit, ces sites continueront à faire des victimes ! Je pense que les sites sectaires bénéficient en fait de l'idéologie utopique qui a présidé à la naissance du Net.
Je suis toujours étonné qu'il n'existe pas de site qui centralise les questions que peuvent se poser les internautes, où ils puissent trouver l'écoute qu'ils recherchent dans les sectes. Il existe des numéros de téléphone - SOS Amitié, SOS Suicide - mais pas de site où l'on puisse trouver cette écoute !
Une personne de mon entourage a été un moment adepte de la secte Krishna. Cela lui a fait du bien à un moment ; cette personne en est sortie lorsqu'elle s'est sentie mieux. Elle a trouvé auprès d'un groupe humain l'écoute qu'elle ne trouvait pas ailleurs - la secte Krishna n'est pas la pire... Pourquoi un site ne proposerait-il pas l'écoute que recherchent certaines personnes ?
Mme Catherine Génisson. - Existe-t-il un moyen d'empêcher une même information d'inonder les sites ?
Par ailleurs, certains messages que l'on trouve sur des sites de pseudo-thérapeutes sont ubuesques. Vous en donnez un certain nombre d'exemples - je cite : « Michel, léché par sa mère »... Comment des gens intelligents peuvent-ils se laisser abuser par de tels propos ? Je comprends mal le mécanisme qui pousse certains à adhérer à de tels raisonnements.
M. Alain Néri. - Il y a une quinzaine d'années, une secte organisait des réunions pour vendre des casseroles. Pour me faire une idée, je m'étais rendu à l'une d'elles, qui se tenait dans l'un des plus grands hôtels de Clermont-Ferrand. A l'époque, ce mouvement utilisait le bouche à oreille pour recruter des candidats. On est aujourd'hui, avec Internet, dans le même délit d'abus de confiance, d'abus de faiblesse et d'escroquerie. On doit pouvoir trouver les fondateurs de ces sites et les poursuivre pénalement !
Ce qui m'inquiète, c'est la manipulation mentale et le prosélytisme. Internet est la pire ou la meilleure des choses, face à la multiplication des actions visant des populations souvent fragiles. De quelle façon peut-on parvenir à mettre ces mouvements hors d'état de nuire, sans être accusé d'atteinte à la liberté d'expression ?
M. Xavier Malbreil. - Je ne suis pas législateur ! Je constate simplement que des sites comme Organo Gold réalisent un énorme travail de saturation des réseaux. Ce mouvement est arrivé en France il y a trois mois et tente de prendre très vite des parts de marché, ayant quelques soucis aux Etats-Unis avec le Drug and Alcohol Office (DAO), du fait de l'adjonction de ce champignon dans le café, le thé ou le chocolat.
Chaque revendeur devient responsable d'un site. On peut demander, par décision de justice, que le nom de domaine d'Organo Gold soit supprimé en France...
Mme Muguette Dini, présidente. - Avant qu'elle ne soit effective, les responsables auront fait fortune !
M. Xavier Malbreil. - Les fournisseurs d'accès se retranchent derrière les réseaux et mettent en avant le fait qu'ils ne sont pas responsables de ces trafics...
Mme Catherine Génisson. - Ne doit-on pas être plus exigeant vis-à-vis des fournisseurs d'accès, comme avec les réseaux pornographiques ? Cela relève bien sûr du législateur mais ne devrait-on pas être plus coercitif et mieux surveiller les fournisseurs d'accès ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Cela ne touche pas à l'ordre public, contrairement à la pornographie...
Mme Catherine Génisson. - La pornographie non plus !
On considère - à juste titre - que cela peut pervertir les esprits, en particulier ceux des jeunes. Pourquoi n'intervient-on pas sur un sujet aussi grave que les risques sectaires ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Ce qui n'est pas interdit est autorisé. On est en fait très démuni. Avez-vous une idée de la manière dont nous pourrions être efficaces ?
M. Xavier Malbreil. - On peut agir auprès de l'administration qui détient les noms de domaines mais il est pratiquement impossible de déposséder une marque d'un nom, d'autant plus qu'Organo Gold a peut-être déposé son nom aux Honduras. C'est pratiquement impossible.
Mme Muguette Dini, présidente. - Le domaine n'est pas choquant...
M. Xavier Malbreil. - On peut également agir sur les fournisseurs d'accès - Orange, Free, SFR...
M. Alain Néri. - J'ai été rapporteur de la loi relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. Or l'action de ces réseaux met en cause la santé de ceux qui font confiance à des produits néfastes, dont l'usage peut conduire à interrompre un protocole de soins.
La loi en question poursuit celui qui utilise les produits - on est en train de le vérifier aujourd'hui - mais prévoit surtout de condamner plus lourdement encore les pourvoyeurs. J'avais à l'époque déposé un amendement pour sanctionner la pratique en bande organisée.
Le trafic auquel on assiste aujourd'hui sur Internet relève bien de la bande organisée ! Le pourvoyeur d'accès est donc complice de ce trafic ! Peut-être est-ce là une piste à laquelle il faut réfléchir.
M. Xavier Malbreil. - J'ai toujours pensé que ce sont les fournisseurs d'accès qui dégagent le plus de bénéfices. Ils ont des moyens pour contrôler ce qui se passe. Leurs bénéfices étant énormes, ils pourraient fort bien payer des dizaines ou des centaines d'enquêteurs pour observer les réseaux et établir des signalements.
Mme Muguette Dini, présidente. - Ce sont peut-être les fournisseurs d'accès qu'il faut toucher...
M. Xavier Malbreil. - Ils se retranchent toujours derrière le fait qu'on ne peut rien interdire sur le Net...
M. Alain Néri. - « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! », a dit Mme Roland pendant la Révolution
Mme Muguette Dini, présidente. - Nous devons auditionner des fournisseurs d'accès la semaine prochaine...
M. Xavier Malbreil. - Ils vous diront qu'ils ne peuvent rien faire ! C'est toutefois, selon moi, sur les réseaux que l'on peut agir. Ils amènent les contenus à chaque internaute et gagnent beaucoup d'argent. Ils auraient donc les moyens d'exercer un contrôle !