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En 1952 l'anthropologue Gregor
Bateson est fortement influencé par le courant cybernétique, né des conférences Macy auxquelles il participe de 1942 à 1953. Lors de ces conférences, Bateson a travaillé au sein d'un groupe interdisciplinaire de mathématiciens, logiciens, anthropologues, psychologues et économistes qui s'étaient donné pour objectif d'édifier une science générale du fonctionnement de l'esprit. Les participants aux conférences sont parmi les scientifiques les plus brillants de l'époque.
Comme l'a montré Yves Winkin, Bateson fait également partie d'un réseau informel, constitué de personnes venant d'horizons différents, et qui s'est développé à coup d'échanges d'étudiants, de conférences, et de publications. Outre les membres du Projet Bateson, on compte notamment dans ce réseau les anthropologues Ray Birdwhistell et Edward T. Hall, le médecin Albert Scheflen, le sociologue Erving Goffman et l'épouse de Bateson, l'anthropologue Margaret Mead.
En 1954, Bateson obtient par Frank Fremont-Smith un financement pour deux ans de la part de la Fondation Macy pour l'étude de la communication chez les schizophrènes. Cette même année, William Fry part pour l'US Navy et le groupe est rejoint par le psychiatre Donald D. Jackson qui vient de publier son article « La question de l'homéostasie familiale » dans lequel il applique les concepts de « Milieu Interne » de Claude Bernard et d'homéostasie de Walter Bradford Cannon à l'étude de la famille. Jackson a appris à observer les troubles psychiatriques dans une perspective interactionnelle lors de son travail avec Harry Stack Sullivan et Frieda Fromm-Reichmann, de 1947 à 1951. Il s'est également intéressé très tôt dans sa carrière aux travaux sur l'hypnose de Milton Erickson et Lawrence Kubie.
En 1956, les membres du projet publient leur article commun Vers une théorie de la schizophrénie qui introduit le concept de « double contrainte ». Les auteurs envisagent la maladie mentale comme un mode d'adaptation à une structure pathologique des relations familiales. Cette théorie provoque un bouleversement des conceptions psychiatriques traditionnelles et contribue au développement de la thérapie familiale.
Dans le but d'étudier les implications thérapeutiques des travaux du groupe Bateson, Don Jackson fonde, en 1959, le Mental Research Institute (MRI) à Palo Alto avec Virginia Satir et Jules Riskin. Paul Watzlawick, puis Richard Fisch, Jay Haley et John Weakland rejoignent le MRI. En 1962, Jackson et Haley sont les co-fondateurs de la revue Family Process avec Nathan Ackerman.
Bateson quant à lui quitte Palo Alto en 1963.
En 1965, Richard Fisch crée le Centre de thérapie brève au sein du MRI. Il y est rejoint par Watzlawick et Weakland qui continueront à y travailler jusqu'à leur mort.
Jay Haley quitte le MRI en 1967 pour rejoindre Salvador Minuchin et Braulio Montalvo à Philadelphie et développer son approche stratégique. Virginia Satir quitte le MRI en 1968, année de la mort de Jackson.
Watzlawick, Weakland et Fisch développent l'approche clinique de Palo-Alto, la grille d'intervention « classique » de la thérapie brève. En 1974, il publient leur livre Changements : Paradoxes & psychothérapie.
Les principaux successeurs de l'équipe de Palo Alto sont le Centre de Thérapie familiale de Milan fondé en 1981 par Gianfranco Cecchin et Luigi Boscolo, le Brief Family Therapy Center de Milwaukee, fondé en 1978 par Steve de Shazer et Insoo Kim Berg, le Centre de Thérapie Stratégique d'Arezzo, dirigé par Giorgio Nardone et l'Institut Gregory Bateson de Liège, fondé par Jean-Jacques Wittezaele et Teresa Garcia en 1987.
Influences :
L'influence de la « première cybernétique » sur l'École de Palo Alto s'est traduite par le fait que le thérapeute ne considère plus son patient comme un individu isolé sur lequel il devrait poser un diagnostic psychiatrique mais s'intéresse aux interactions actuelles du patient avec son environnement qui maintiennent son problème. En d'autres termes, le thérapeute se demande comment le système maintient l'homéostasie. On passe d'une explication individuelle, linéaire et diachronique à une explication systémique, circulaire et synchronique.
Dans une deuxième étape, suivant les travaux de la « deuxième cybernétique » de Humberto Maturana, qui étudie comment les systèmes évoluent loin de leur point d'équilibre et créent des nouvelles structures (morphogenèse), les thérapeutes se sont intéressés aux possibilités de changement que recèle la situation de crise (voir aussi les structures dissipatives de Ilya Prigogine). Comme le souligne Prigogine, « si différents régimes sont possibles avec des molécules, des régimes beaucoup plus variés et plus nombreux sont possibles dans les communautés humaines. » Cette vision a amené les thérapeutes à penser la situation de crise comme un moment privilégié de l’intervention contrairement à l’idée généralement admise selon laquelle on ne travaille pas avec les gens dans l’urgence et dans la crise (il faut d’abord apaiser la souffrance). Ainsi, le « client » de l'intervention thérapeutique est une personne en souffrance, c'est-à-dire loin de son point d'équilibre, et prête à faire quelque chose pour atteindre un nouvel équilibre.
Enfin, influencés par les travaux de Heinz von Foerster sur la « cybernétique de deuxième ordre », où l’observateur s’inclut lui-même dans le système observé, les thérapeutes ont pris davantage en compte de l’existence de l’observateur dans l’observation. Dans cette perspective, on soulignera, par exemple, que si le patient « résiste », c'est que le thérapeute est en train d'exercer une pression sur lui.
Jackson est fortement influencé par ses quatre années passées avec Harry Stack Sullivan et son équipe pluri-disciplinaire composée de Frieda Fromm-Reichmann, Erik Erikson, Karin Horney, Edward Sapir, Claire Thompson et Harold Lasswell. Ces derniers ont développé une conception nouvelle de la psychiatrie, qu'il définissent comme « l'étude du comportement interpersonnel ». Pour eux, une « personnalité » ne peut être définie en faisant abstraction du réseau complexe de relations interpersonnelles qu'entretient la personne dans son quotidien.
Indépendamment du mouvement de l'antipsychiatrie, mais en convergence relative avec lui, l'École de Palo Alto a contribué aussi à une profonde remise en question des fondements de la psychiatrie, en particulier de la validité d'une nosographie ayant prétention à se vouloir universelle. Ainsi, en 1962, Paul Watzlawick publie une revue du livre de Ronald Laing, Soi et les Autres.
Dans cet esprit, voici une expérience de type « caméra invisible » effectuée par Watzlawick qui montre la relativité (pour ne pas dire la vacuité) des diagnostics péremptoires en psychiatrie. Watzlawick demande un jour à Jackson de se laisser filmer, lors d’une première consultation avec un malade paranoïaque dont le délire consiste à se prendre pour un psychologue clinicien. Il demande d’autre part à un ami psychologue clinicien de bien vouloir se laisser filmer, lors d’une première consultation, avec un malade paranoïaque dont le délire consiste à se prendre pour un psychiatre. En réalité, Watzlawick orchestre à leur insu la confrontation de deux vrais « psy » qui ne se connaissaient pas encore. Chacun met tout son talent à démontrer la folie de l’autre, sur la foi des informations préalables : plus l’interlocuteur se comporte en « psy » (une obligation, puisqu’il croit recevoir un patient très atteint), et plus ce comportement (pourtant fort judicieux) confirme son prétendu délire aux yeux de son collègue méconnu. Watzlawick en conclut que le diagnostic psychiatrique s'apparente parfois à une « étiquette » douteuse, induite par une idée préconçue, venue d’un tiers faisant autorité....
(source wikipédia)
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