Intuitions, créations, perceptions... lorsque le cerveau fonctionne à son maximum, un état favorisé entre autres par la transe hypnotique, nos possibilités sont décuplées. Entretien avec Jean Becchio, médecin hypno-thérapeute.
Vous comparez l’hypnose à une petite flamme présente en permanence chez tous les individus qui lorsqu’elle grandit grâce à l’induction hypnotique, permet au sujet de dépasser ses limitations habituelles dans les domaines de la résolution des problèmes, de la gestion des douleurs et des émotions, et de la créativité. Cela ne ressemble-t-il pas à une définition de l’intuition ?
Jean Becchio :
 Lorsque je définis avec un patient le processus hypnotique, j’emploie cette métaphore. Si cette lumière est petite, elle ne sert à rien. Mais lorsqu’on la laisse se développer ou qu’on apprend à le faire, il se produit alors des modifications entre la commande supérieure et le reste du corps, et également entre le corps et la commande supérieure. Cette action du corps vers l’esprit est peut-être même la plus importante des deux. L’intuition est très présente à ce niveau. Lorsque le processus hypnotique est actif, nos compétences sont vraiment au maximum. On devient meilleur pour prendre une décision. L’intuition, c’est peut-être simplement la capacité à prendre une décision de façon non réfléchie. Le raisonnement et la logique ne sont plus là. Le corps nous envoie dans une meilleure direction que ne l’aurait fait la logique, et plus vite.

Sait-on quel fonctionnement cérébral est lié à ce processus ?
On parle beaucoup dans le domaine des neurosciences de la synesthésie. Le cerveau est compartimenté en plusieurs zones : la zone de la vision en occipital, la zone de la motricité en frontal, la zone du langage en temporopariétal… Tout cela a été bien décrit depuis un siècle par des neurologues qui ont construit cette vision anatomique et fonctionnelle du cerveau à partir de patients malades ou déprimés. Depuis qu’on s’intéresse à l’homme sain, on se rend compte que ces cloisonnements artificiels disparaissent quand le cerveau fonctionne. Lorsque la personne est en bonne santé et compétente dans un certain domaine, il y a une synesthésie : tout travaille en même temps. Lorsqu’un nez, qui est un expert dans le domaine des parfums, respire une fragrance, on voit s’activer la zone de la vision, la zone de la motricité, la zone du langage… Il va décrire le parfum de manière imagée, lui donner de la couleur, de la musique, du mouvement. Ceci parce que son cerveau est dans cet état compétitif de synesthésie, qu’on retrouve dans l’état d’hypnose. C’est aussi là que l’intuition apparaît. Selon moi, pour être intuitif et avoir une bonne intuition, il faut avoir eu des apprentissages et des expériences dans certains domaines, et être dans cet état de synesthésie.

Pouvez-vous nous donner un exemple d’expérience scientifique qui illustre cet effet de l’hypnose ?
Une expérience a été élaborée par le neurologue américain Amir Raz : je vous demande de retrouver un souvenir de vacances. Je mets votre tête dans l’IRM fonctionnel et je vous dis de décrire ce que vous vous rappelez. Lorsque je vais vous demander un texte sur votre souvenir, vous allez m’écrire quelques lignes. Maintenant, je vous apprends à développer le processus hypnotique, à vous mettre en synesthésie. Puis je vous remets la tête dans l’IRM, et je vous interroge sur le même souvenir. Vous utilisez alors une plus grande partie de votre cerveau pour vous le remémorer. Et vous n’allez pas écrire quelques lignes, mais quatre pages ! La transe correspond à des états particuliers. Un amoureux transi, c’est un amoureux « en transe », l’expression vient de là. Ce phénomène a été décrit depuis longtemps, non par des scientifiques, mais par les artistes. La Nuit étoilée a été peinte par Van Gogh, et il y a placé ces taches qui sont des constellations invisibles à l’œil nu, qu’on ne peut voir qu’avec des télescopes. On a repris le calendrier astronomique du jour où il a peint ce tableau et les constellations étaient exactement de cette taille, à cet endroit dans le ciel. Ceci grâce à la synesthésie qui entraîne une hyperperception sur le plan sensoriel : on entend mieux, on voit mieux, et on a une meilleure intuition.

C’est une sorte de processus alchimique cérébral ?
C’est une bonne définition. Cela permet au cerveau d’être dans ses vraies compétences. Nous les avons peut-être perdues, nous hommes civilisés, par le fait que nous sommes dans le confort. Et plus on est dans le confort, plus ça baisse. J’ai eu la chance de rencontrer des Indiens d’Amazonie entre autres... On voit sur leurs visages, lorsqu’on les étudie, qu’ils sont en processus de transe, c’est-à-dire en processus hypnotique actif. Pourquoi ? Lorsque vous êtes un Indien en Amazonie, à chaque pas, vous pouvez marcher sur un serpent ; il leur faut être dans cet état d’hypervigilance qu’ils ont naturellement. C’est une nécessité adaptative.

Pour développer l’intuition, il faudrait donc développer la synesthésie ?
L’intuition pour moi ne peut être active que lorsque le cerveau est dans cet état particulier qui est l’état synesthésique. Comment arriver à cela ? Spinoza, le philosophe, a écrit cette phrase remarquable : « Plus un corps l’emporte sur les autres par son aptitude à pâtir et à agir de plus de manières à la fois, plus son esprit l’emporte sur les autres par son aptitude à percevoir plus de choses à la fois. » Spinoza voulait savoir ce qu’était l’esprit, l’intelligence, l’intuition. Il y a réfléchi pendant un an et il n’a rien trouvé. Il s’est alors rendu compte que lorsque le corps se met en action de n’importe quelle manière – même si l’action n’est pas agréable – alors l’esprit va l’emporter sur les autres par son aptitude à percevoir plus de choses : je mets mon corps en action, j’augmente ma perception. Qu’est-ce qui fait que le corps se met en action chez certains et pas chez d’autres ? C’est le besoin.

L’intuition passerait donc avant tout par le corps ? Connaissez-vous Georges Simenon ? 
Cet auteur était un hyper intuitif. Lorsqu’il sentait qu’il avait un besoin d’écrire, que c’était le bon moment, il faisait passer des examens médicaux à sa femme et à ses enfants. Lorsqu’il était sûr que tout le monde était en bonne santé et qu’il disposait de treize jours devant lui, il faisait une randonnée de cinq heures en marchant à grands pas. Il raconte qu’au bout de deux à trois heures, quelque chose comme le parfum d’un tas de fumier, lui évoquait une idée. Tiens, il y a une ferme là-bas, une petite maison près d’un canal… Qui habite là ? Il rentrait chez lui, s’enfermait dans sa chambre, dessinait la maison, le canal et les personnages arrivaient les uns après les autres. Ses trente derniers romans ont treize chapitres, qu’il a écrits en treize jours, dans cet état particulier qu’il obtenait en mettant son corps en mouvement.

Pour vous, n’a-t-on accès qu’à ce qu’on voit ou « hypervoit » ?
Ca, ça pose question, comme dirait Coluche. En hypnose, on parle de plus en plus de la communication des inconscients, ou communication non consciente. Sur le plan interpersonnel, on se rend compte, en séance par exemple, qu’il y a des communications qui se font à un niveau non conscient. On sait aujourd’hui que c’est de la synchronisation, une synchronie d’images ou d’idées qui arrivent en même temps.

N’y a-t-il pas des zones de chevauchement entre ces thèmes que nous évoquons et ceux de la parapsychologie ?
Pour moi, la métapsychique et la parapsychologie sont des domaines en train de se décloisonner. L’inexpliqué, on l’admet. L’inexploré, il faut se mettre à l’explorer, justement. Il y a 20 ans, lorsque je travaillais à RTL, j’étais parti en expédition au Mexique avec le paléontologue Yves Coppens. Un soir, sous les étoiles, il parlait de l’origine de la vie. Nous lui avons alors demandé : « La vie pourrait-elle venir d’une autre planète que la Terre ? » On s’attendait à ce que lui, professeur au Collège de France, nous dise : « Allons, ce sont des bêtises. » Pas du tout. Il nous a dit que c’était peut-être la plus plausible des explications. De là, on a dérivé sur la parapsychologie. On est dans un troisième millénaire passionnant, parce que justement les scientifiques n’ont plus peur d’étudier par exemple les méditants, les mystiques…

Le Remote Viewing est une technique mise au point par les services de renseignements américains au moment de la guerre froide, qui permet de « voir » un lieu à distance, sans indices sensoriels. Que pensez-vous de cela ?
Depuis 30 ans, je travaille en Russie régulièrement. Comme les américains, les russes travaillaient là-dessus. Ils utilisaient pour cela l’hypnose, notamment à l’Institut Betcherev à Saint-Petersbourg. J’y étais il y a quelque temps et nous avons évoqué cela. Les travaux continuent en Russie, et sans doute aussi aux Etats-Unis. Mais ils sont faits par des militaires et ce n’est pas facile d’y avoir accès. L’avantage avec les russes, c’est qu’ils travaillent avec des hypnotiseurs civils, qui donnent de petites informations. Pour moi, ce n’est pas du domaine de la folie. Cette capacité d’hyperperception existe. Je ne connais pas bien ce sujet mais c’est une voie de recherche intéressante.

Est-il nécessaire aujourd’hui de trouver des moyens de développer l’appréhension du monde qui passe par la synesthésie ?
C’est plus qu’une nécessité, c’est un besoin. Les politiques ont beaucoup de retard là-dedans. Que font les jeunes spontanément ? Ils vont par exemple vers des sports extrêmes. Ils recherchent cette activité corporelle forte car ils ressentent que c’est la voie qui permet de survivre dans un monde difficile.

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